NON à l’EPE toulonnais: Entretien avec le Secteur Service Public du SNESup
Mardi 28 novembre, le bureau du SNESup Toulon a eu un entretien avec un membre du bureau national du SNESUP-FSU du secteur des personnels (SDP) et du secteur Service Public (SP) au sujet des Etablissements Public Expérimentaux (EPE). L’objectif était de mieux comprendre et de profiter de l’expérience des camarades du national sur le sujet. Après lui avoir fait part du projet d’intention de l’UTLN de s’engager dans un processus de mise en place d’un EPE, nous lui avons demandé de nous présenter les particularités des EPE. Voici ce qu’il en ressort.
Le premier changement mis en avant et apparemment le plus important est le mode de gestion. En effet, contrairement à l’université dont la CoRe, le CAc, la CFVU et le CA sont cadrés par le code de l’Éducation, dans un EPE TOUT est permis. Certains EPE n’ont qu’un CA et, surtout, la majorité de ses membres sont nommés (on est bien en dessous des 66% d’élus prévus pour les universités fauriennes1, voir AEF Info : Comment les établissements publics expérimentaux se sont-ils emparés des dérogations possibles pour composer leur CA ?). Les CoRe, CAc ou CFVU peuvent disparaitre totalement ou être transformés en conseil stratégique par exemple. Ce fonctionnement remplace le fonctionnement d’une université entrant dans un EPE. Les autres types d’établissement de l’EPE (L’école supérieure d’art et de design Toulon Provence Méditerranée et l’ISEN dans le cas de Toulon2) peuvent garder leur fonctionnement interne s’ils gardent leur statut de personne-morale, mais deviennent « établissement-composante » dont la stratégie et la gestion est gérée par le CA de l’EPE. Par ailleurs, si les IUT restent bien gérés par le code de l’Éducation, nous ne savons pas ce qu’’il en serait des écoles d’ingénieur comme SeaTech. De même, se posera la question des frais d’inscription pour les étudiants. Nous avons déjà l’inscription différenciée pour les étrangers avec la loi “bienvenue en France”3 et pour les diplômes sur projet MIR4. D’après notre camarade, l’intérêt de l’expérimentation du point de vue de la gouvernance réside donc dans les « mains libres qu’elle donne au président de l’EPE ». Il nous donne ainsi l’exemple de certains EPE qui n’ont plus que 2 CA par an, la gestion étant l’affaire du président le reste de l’année. De plus celui-ci peut très bien ne pas être de l’ESR! (Il peut même porter le titre de PDG.)
Au niveau des personnels, l’EPE devient leur employeur et en ce qui concerne leur représentation, seuls les CSA et les F3SCT sont maintenus mais sous des formes diverses et variées. Par exemple, un CSA pour l’ensemble de l’EPE. Il n’y a en fait aucune obligation spécifique pour les universités sur les CSA. Au moins un conseil restreint est maintenu mais cela n’est dû qu’au statut particulier des enseignants chercheurs qui garantit leur indépendance. On peut alors se demander pour combien de temps dans un système où ce statut devient marginal.
Autre transformation, le rôle et les missions de l’EPE : ce ne sont plus ceux des universités. En particulier, la prestation de service tout azimut semble être un des moyens de faire des recettes coûte que coûte5. La recherche et les missions des enseignants chercheurs sont donc plus que menacées et par conséquent le corps même des enseignants chercheurs tel qu’il existe.
La carotte promise en contrepartie, à savoir l’obtention de projets Idex, Isite, est un leurre d’après notre camarade puisque nombre d’EPE n’ont pas réussi à obtenir ce type de financements, loin d’être automatiques. Mais c’est bien connu dans le monde libéral “si t’as pas eu c’est que t’as pas été bon, améliore toi, c’est ta faute”.
Le camarade du secteur SP nous confirme que le ministère pousse les petits établissements à entrer dans les expérimentations EPE et celles qui y sont déjà à en “sortir” (comprendre en fait: sortir de la phase d’expérimentation et donc pérenniser les nouveaux statuts) pour devenir des « grands établissements » sortant du cadre législatif des universités et dérogatoires au Code de l’Éducation. A ce jour, un seul projet de sortie a été reporté par l’HCERES.
L’idée générale est donc bien de sortir du “carcan” du code de l’éducation, carcan qui pour les serviteurs public est le garant d’un traitement national, souvent pas les pairs, et plus indépendant des politiques locales.
En ce qui concerne les résistances et les échecs, plusieurs universités ont refusé l’intégration dans un EPE, Créteil, qui n’est pas rentré dans le projet Université Gustave-Eiffel après avoir fait partie de la COMUE “université Paris-Est”6 et avoir précédemment refusé la fusion avec l’UPEM, l’université Rennes II dont le CA a refusé d’intégrer le futur EPE rennais et Saint-Etienne7 qui était dans la Comue Université de Lyon dont le CA a également voté contre le projet d’EPE.
Ces informations confirment que l’expérience EPE ne va absolument pas dans le sens d’un service public d’enseignement supérieur, impose une vision entrepreneuriale de l’ESR, accélère sa gestion managériale et ne présage rien de bon pour l’équité de traitement, la démocratie interne, notre environnement de travail et l’accès à l’enseignement supérieur pour toutes et tous.
Nous remercions grandement le camarade du SNESup pour le partage de ces informations, et nous allons continuer à nous informer sur le terrain, au travers de l’expérience des camarades ayant subi ou ayant contré cette transformation forcée.
Le SNESup continue à organiser l’abandon de ce projet et vous invite à rejoindre la pétition contre l’entrée de l’UTLN en phase d’expérimentation !
- En référence à la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968, dite loi Edgar Faure ↩︎
- Depuis la discussion avec le membre de notre bureau national, nous avons consulté le document de présentation des AG des 13 et 14 Novembre. Il apparait dans ce document que les partenaires potentiels sont : ISEN Méditerranée (Yncréa), ESAD (École Supérieure d’Art et de Design) et Camondo Méditerranée, Pôle Ecoles Méditerranée, CNAM, IFPVPS, Kedge Business School Toulon ↩︎
- https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038396885 – Décret n° 2019-344 du 19 avril 2019 ↩︎
- https://www.master-mir.eu/ ↩︎
- Voir décision CoRe-2023-11 définissant la gestion de projet privé extérieur par les agents de l’UTLN. ↩︎
- Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_Gustave-Eiffel ↩︎
- Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_Jean-Monnet-Saint-%C3%89tienne ↩︎